Demos: TEX Special

"Vous me reconnaissez? Non? Pourtant, les Little Demos (1986-87), c'est moi! la BIG Demo et l'Amiga Sound Demo (1988), c'est moi! Et The Union, qui est-ce qui l'a fondée, je vous le demande? C'est encore moi! Et ce n'est pas fini, car je compte revenir sur scène très bientôt! Ce mois-ci, la rubrique démos m'est consacrée dans sa quasi-totalité, pour mon plus grand plaisir, ainsi que le vôtre, je l'espère..."

Par Klaus Berg et Patrick Raynaud

Charly, la célèbre mascotte et âme collective de TEX, dit vrai: The Exceptions sont toujours là et prêts à relever de nouveaux défis, vous allez pouvoir le constater par vous-mêmes.

THE EXCEPTIONS, OU LES PIONNIERS SUR ST

C'est avec grand plaisir que nous vous proposons aujourd'hui de faire plus ample connaissance avec le premier groupe de démos sur ST. Cela se fera à travers les interviews de trois personnages clés du groupe: -ME- (Udo Fischer), Daryl (Michael Raasch) et Mad Max (Jochen Hippel). Pour l'interview de ce dernier, nous avons d'ailleurs demandé à Daryl de poser les questions, estimant que cela donnerait un peu de piment à l'ensemble. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié. A ceux s'inquiétant de l'absence de ES, le graphiste, nous disons simplement: vous n'avez pas tout vu les gars!

-ME-
-ME- est sans doute le programmeur le plus connu de TEX. Il est notamment l'auteur des trois "Little Demos", et de la BIG Demo, sorties il y a déjà un certain temps. Mais on ne peut dissocier -ME- du jeu qui lui aura, coûté plusieurs années de travail: Dragonflight. Ces deux aspects sont donc évoqués avec lui au cours de cet entretien.
ST Mag: Tu es le premier à avoir écrit des démos sur ST. Comment cela s'est-il passé?
-ME-: J'ai d'abord eu un C64, que j'ai beaucoup programmé en assembleur. A cette époque, je développais sur papier des routines 68000 (remplissage d'un écran, copier l'image de l'écran une ligne plus haut...), et je les assemblais à la main. Quand j'ai eu mon ST, j'ai rentré ces routines en basic, sous forme de pokes. En 1986, j'ai programmé la première démo sortie sur ST: Affichage d'une image et un scroll, pas grand-chose en fait!
ST Mag: Si l'on te dit BIG Demo ou Amiga Demo, qu'est-ce-que tu as envie de répondre?
-ME-: Beaucoup de travail (rires)... Malgré le fait que dans le cas de la BIG Demo, ma tâche n'était pas si importante: C'était Jochen qui avait dû convertir toutes les musiques du C64. Mais faire ces démos tous ensemble était quand même, avouons-le, passionnant.
ST Mag: Tu as arrêté de programmer des démos relativement tôt. Comment cela se fait-il?
-ME-: Après l'Amiga Demo, et la BIG Demo, je me suis principalement consacré à la programmation de Dragonflight. J'ai donc volontairement arrêté la programmation de démos pour des raisons de temps.
ST Mag: Maintenant que Dragonflight est sorti, cela signifie-t-il que l'on peut espérer voir un jour une nouvelle démo par -ME-?
-ME-: Disons que ces derniers mois j'ai eu beaucoup d'examens importants, ce qui m'a obligé à laisser tomber le ST pendant quelque temps. Maintenant, je suis heureux de le retrouver, c'est une sensation agréable, et après tout, je n'exclus pas de refaire une démo. Ce ne sera pas une mégadémo, car cela demande trop de temps, mais pourquoi pas un petit kèkechoz avec les autres?
ST Mag: Revenons à Dragonflight. Comment se fait-il qu'il t'ait demandé autant de temps?
-ME-: Tout a commencé lorsque nous nous sommes assis il y a quelques années autour d'une pizza, et que nous nous sommes dits: "On va faire un jeu." Au début, il s'agissait simplement de quelque chose que je faisais en dehors de mes activités habituelles. La programmation du jeu a avancé en même temps que l'évolution de son concept: Cela m'a donc obligé à reprogrammer entièrement certaines parties, pour remettre le jeu à jour. J'ai aussi changé d'assembleur en plein milieu, ce qui m'a contraint à reconvertir tout le code, etc.
En fait, j'ai fait une erreur: Il faut toujours définir le scénario d'un jeu dès le départ, éventuellement y apporter quelques modifications mineures en cours de développement, mais ne rien changer de fondamental obligeant à reprogrammer des parties entières.
ST Mag: Est-ce que l'idée de programmer un nouveau jeu te tante?
-ME-: Pour tout te dire, j'avais envie de faire un autre jeu de rôles, car je les adore. Mais comme pour Dragonflight, je vais le faire en tant que hobby au départ, car développer un tel jeu prend un temps fou, et il est évident que pour des sociétés d'édition, ce temps est beaucoup trop long. En conséquence, j'ai dit à Thalion que je me chargerais volontiers de parties de jeux de rôles, comme les séquences d'animation, les écrans de combats, ou les conversions sur Amiga.
ST Mag: Tu n'as donc pas de projets à long terme sur le ST?
-ME-: Non, rien de très précis. Le problème des projets à long terme, et c'est l'exemple de Dragonflight, est qu'ils vieillissent très vite: Ce que l'on a conçu il y a trois ans n'est plus actuel. Cela concerne moins les jeux de rôle que les jeux d'arcade, mais par contre, leur temps de développement est plus long.
ST Mag: Quelle est la machine idéale pour un programmeur à l'heure actuelle?
-ME-: Parmi les machines 16 bits que je connais (Amiga, ST et PC), je préfère l'interface utilisateur du ST. C'est aussi la machine la plus fiable des trois lorsque l'on programme. Je n'aime pas le microprocesseur du PC. Quant à la conversion de Dragonflight sur Amiga, je l'ai programmée sur ST, grâce à des logiciels et une interface que j'ai développés moi-même.
ST Mag: Que penses-tu du piratage sur micro?
-ME-: Je sais que l'on ne peut pas l'empêcher. J'ai essayé de le limiter au maximum avec Dragonflight, mais cela n'a servi à rien. Bien sûr, avant qu'il ne soit déplombé cela a pris plus de temps, mais c'est l'agrément d'utilisation qui en a souffert, et celle-ci est particulièrement importante dans un jeu de rôles. Le prochain jeu de rôles de Thalion sera donc à coup sûr installable sur disque dur. Dans ce cas-là, par contre, on ne pourra pas faire de protection vraiment efficace contre la copie. Les futures protections des jeux de rôles seront peut-être du genre de celles de Ultima 6, où l'utilisateur trouve dans le manuel les noms des objets que l'ordinateur lui demande, et sans lesquels il ne peut progresser.
ST Mag: Tu as arrêté de programmer des démos depuis longtemps déjà, mais est-ce que tu as quand même suivi l'évolution de leurs techniques de programmation?
-ME-: Pour prendre l'exemple du hardscroll sur ST, je ne sais absolument pas en faire un. Je connais son principe, mais il faudrait que je passe du temps dessus pour y arriver. Cela dit, il faut préciser qu'un jeu comme Dragonflight ne demande pas de telles techniques, ses exigences sont tout autres. Je n'ai donc pas eu besoin de me pencher sur cette technique.
ST Mag: Une petite photo pour la postérité?
-ME-: Moui... (rires)

 

DARYL
Daryl est également programmeur chez TEX; signalons qu'il a pas mal de bonnes choses à son actif, dont le splendide écran de TEX dans la Syntax Terror Demo. Il est également à l'origine de la future production de TEX, comme vous allez pouvoir le constater...
ST Mag: As-tu déjà programmé des jeux ou dans l'idée de le faire?
Daryl: Oui, j'ai participé à la programmation de To Be On Top, Seven Gates of Jambala et Dragonflight, et je viens tout juste de finir Turbo Charge, pour la société System 3, sur Amiga et sur ST.
ST Mag: Ah!, tu programmes aussi la version Amiga?
Daryl: Oui. Et c'était le cas aussi pour Dragonflight, où je m'étais chargé de certaines séquences importantes. Est-ce que je ferai encore d'autres jeux à l'avenir? Pourquoi pas sur console? On verra!
ST Mag: Le TEX existe-t-il toujours selon toi?
Daryl: Jochen (Mad Max) et moi voulons faire quelque chose ensemble, dès que possible. Erik (ES) a fait quelques graphismes récemment, qu'il lui faut encore fignoler. Pour Günther (6719) et Udo (-ME-), je ne sais pas trop...
ST Mag: Udo n'en a pas écarté l'idée lors de notre entretien.
Daryl: Disons que la créativité d'antan nous manque un peu. Je ne suis pas créatif, Udo non plus, Jochen pas tellement, Erik dit qu'il ne l'est pas, bien que je pense le contraire (rires)! Pour répondre à ta question, je ne crois pas qu'il y aura de nouvelles mégadémos de TEX du genre super-production. Par contre, et nous en avons parlé entre nous, pourquoi pas une démo axée sur l'originalité et sur la qualité des graphismes, moins que sur la technique. A mon avis, c'est ce genre de démos que les gens apprécient le plus.
ST Mag: Qu'est-ce qui, à ton avis, fait la différence entre une démo par TEX et une démo par un autre groupe?
Daryl: L'originalité je pens... C'est en tout cas celle-ci que nous recherchons.
ST Mag: Bon, la dernière question maintenant: Je voudrais un petit historique de TEX.
Daryl: Argh!
ST Mag: Tu n'as qu'à commencer par le jour où tu as rencontré les autres membres!
Daryl: O.K., mais c'est bien pour te faire plaisir, hein! Ma rencontre avec les autres s'est passée d'une façon assez simple. J'ai rencontré Erik dans un magasin à Ludwigshafen. C'était en 1985, j'avais déjà mon ST, et je le programmais en basic (à l'époque, il n'y avait pas grand monde qui programmait en assembleur!). Plus tard, je l'ai invité à une fête chez moi; je connaissais déjà Jochen depuis le temps du C64. Au début, je me souviens que ES a eu peur: "Ouh-la! Je lui ai donné mon numéro de téléphone! Il pourrait être de la Kripo" (NDT: Kriminalpolizei, brigade criminelle). Il a donc hésité avant de se décider, mais il est finalement venu avec Udo, qui avait déjà les premières ébauches de Dragonflight avec lui. Ils ont vu que Jochen faisait des musiques, et lui ont donc demandé de les rejoindre, ce qu'il a fait.
C'est à ce moment-là qu'est sortie la deuxième démo de TEX. Plus tard, je suis devenu membre également. Ensuite a commencé la période disons, euh!... pas très catholique, on passe! Au moment de la démo d'après, nous étions déjà cinq, car Günther était avec nous.
Pratiquement chaque semaine, nous nous réunissions chez Erik, où il y avait pizzas et Coca à gogo. Sa maison était grande, donc pas de problème! Erik, Udo et Jochen ont fait la troisième démo à ce moment-là. Axel (NDLI: Axel, l'auteur du Ice Packer), Dr. Byte (auteur de Leonardo) et, euh!... je ne me souviens plus de son nom, mais il fut plus tard chez les Blade Runners sous le nom de Blue System, nous rejoignirent bientôt. Ces trois personnes furent expulsées plus tard.
ST Mag: Pourquoi?
Daryl: Parce qu'elles ne faisaient pas grand-chose, et que nous voulions nous en tenir aux démos.
C'est après que nous ayons été à une grande réunion chez 42-Crew, où nous avons connu Delta Force, TNT-Crew et les autres, que nous avons décidé de fonder The Union. Ensuite est venue la Union Demo et tout le reste... Cela, c'est une histoire bien connue!

 

MAD MAX
Qui ne connaît pas ce musicien, dont en trouve les créations dans la quasi-totalité des démos sur ST, et qui s'est lancé dans la programmation de routines de son sur ST dès 1985? Voici en tout cas une longue conversation entre le susnommé et Daryl, son acolyte. A savourer!
Daryl: Avant de commencer, nous allons vous faire écouter une musique qui sera dans notre prochaine démo... (Suit alors un morceau très drôle, du genre de celui du main menu de la Life's a Bitch. Désolé, les techniques actuelles ne permettent pas d'imprimer de musiques, et le secret demandé par TEX nous empêche de vous donner le nom de la nouvelle "victime" de Mad Max).
Daryl: O.K. Jo, quel âge as-tu est quel est ton niveau d'études?
Mad Max: Je viens d'avoir 20 ans. Pour ce qui est des études, je n'ai aucun diplôme à proprement parler, car dès la fin du collège, j'ai commencé à faire de la musique sur micro.
Daryl: A part l'informatique, quels sont tes hobbies? Regarder MTV je parie, non (rires)?
Mad Max: Voir des films sur cassettes, l'automobile, la musique...
Daryl: Travailles-tu à plein temps sur tes musiques?
Mad Max: Oui, si toutefois on peut appeler cela travailler, car pour moi, c'est un plaisir.
Daryl: Y a-t-il une recette pour être bon musicien? Beaucoup de travail? Du talent? Les deux?
Mad Max: Je ne peux pas répondre à cette question, car je n'en ai pas la moindre idée! Dans mon cas en tout cas, on ne peut pas dire que ce soit le résultat d'un travail acharné.
Daryl: En effet (rires). O.K., passons à la question suivante. Y a-t-il une approche différente, lors de la composition, entre la musique "normale" et celle pour ordinateurs?
Mad Max: Oui. Par définition, dans le cas de la musique pour micro, on est limité. Pour la musique normale, on peut disposer de 35 synthétiseurs, de 37 voix, que sais-je encore... De plus, on n'a pas à s'inquiéter du fait que, lors de l'enregistrement, les voix risquent de disparaître au profit d'autres instruments par exemple. La musique "normale" est donc beaucoup plus facile à mettre en oeuvre selon moi.
Daryl: Quel est le premier jeu pour lequel tu aies fait la musique? En as-tu fait beaucoup depuis?
Mad Max: Le premier jeu dont j'ai fait la musique est Bad Cat par Rainbow Arts. Il s'agissait d'une adaptation, pas d'une composition. Depuis j'en ai fait énormément pour Rainbow Arts, Thalion, Hewson, Starbyte, Grandslam, etc. Je travaille actuellement sur les musiques de Lethal Xcess, sur celles du prochain jeu de rôles de Thalion, et sur celles de notre nouvelle démo...
Daryl: Toujours Top Secrète celle-là, hein! Quelles sont les différences entre la composition de musiques pour démos et celle de musiques pour des jeux?
Mad Max: Les musiques de démos sont beaucoup plus faciles à composer, car elles n'ont pas besoin d'être très variées, elles se doivent juste de posséder un bon thème, autour duquel en peut tourner pendant des heures. Dans le cas des musiques de jeux, on doit essayer de leur donner une certaine ambiance, on ne peut pas se permettre les mêmes choses que pour les musiques de démos.
Daryl: Tu as programmé toi-même les logiciels que tu utilises pour tes créations. As-tu pensé à en commercialiser certains?
Mad Max: Ce n'est pas tout à fait vrai. Mon sampler a été conçu par Michael Bittner, et amélioré par moi. Quant à tous les autres logiciels que j'utilise, c'est vrai que j'en suis l'auteur. Pour l'instant, je ne veux pas les commercialiser, car euh!... Disons que cela viendra peut-être plus tard!
Daryl: Quel hardware utilises-tu pour tes créations? Il y a là un Roland D-20 et un piano. Je vois aussi un vieux 520 ST+ à alimentation séparée et 2,5 Mo de RAM, un disque dur à cartouches...
Mad Max: Et un SC1224. Il y a aussi deux Amiga avec moniteurs, un autre ST, un C64 avec lecteur de disquettes et un système Devpac Développeur, pour ST et Amiga.
Et pendant qu'on y est, je vais te donner les références de ma chaîne hi-fi: Un ampli Music Fidelity, un égaliseur Technics, tuner et platine K7 Pioneer, un préampli Harman/ Kardon, et, je l'avais oubliée, une imprimante NEC P22! Il y a aussi un Amiga 2000 avec 5 Mo de RAM, disque dur à cartouches, et carte 68030...

Daryl: (Rires) O.K., cela doit suffire maintenant! Je vais quand même reciter le sampler de Bittner, qui est "supergut", et fait maison. Combien de temps cela te prend-il pour composer une musique?
Mad Max: La composition de la musique de l'écran "Beat-Nick" m'a pris deux heures, alors que celle de la "Giga-TEX" m'a pris presque huit heures. C'est donc très différent selon les cas, et surtout selon mon inspiration.
Daryl: Tu as aussi travaillé pour le monde des démos sur ST. As-tu d'autres projets en tête dans ce domaine?
Mad Max: Oui, une démo, mais c'est Top Secret!
Daryl: Oui, Top Secret (rires)! Tu avais un C64 avant d'avoir un ST. Dans quelle mesure cela t'a-t-il aidé?
Mad Max: En fait, et c'est bête, je n'ai jamais vraiment programmé le C64. Je me contentais de reprendre les routines de son de Rob Hubbard et de travailler avec. Je n'ai vraiment commencé la musique pour micro qu'avec le ST.
Daryl: Est-ce-que l'on peut en vivre selon toi?
Mad Max: Pour l'instant je peux très bien vivre de mes musiques, cela dit on ne peut pas se limiter au ST, il faut travailler sur plusieurs machines. Pour ma part, je travaille sur Amiga et ST, et cela suffit (pour le moment). A noter que je voudrais également faire un jeu dans un proche avenir.
Daryl: Joues-tu d'un instrument?
Mad Max: Oui, je joue de la guitare depuis environ huit ans, mais pas très bien, et de la flûte.
Daryl: Quelle est la machine idéale pour toi?
Mad Max: Voyons... Pour le musicien que je suis avant tout, c'est un studio de composition complet intégré dans un ordinateur, tout simplement! Pour le programmeur que je suis également, je me contenterais de demander un processeur TRES rapide dans un premier temps.
Daryl: Tu développes également sur Amiga. Est-ce plus facile?
Mad Max: Oui, en raison des 4 voies de la machine, et des facilités que l'on a pour créer ses instruments synthétiques.
Daryl: As-tu déjà composé des musiques pour des groupes de démos sur Amiga?
Mad Max: Non, car je ne connais pas personnellement les concepteurs de démos de cette machine, contrairement au ST où je connais pratiquement tout le monde.
Daryl: Pas ceux de sa nouvelle démo parce qu'il y aura également une version Amiga, mais c'est Top Secret (rires)! Tu as sorti un CD l'année dernière, quel était ton but, ce faisant?
Mad Max: Je n'avais pas de but précis, je tiens simplement à dire que ce fût passionnant, et que cela m'a énormément plu.
Daryl: Ce CD a été diffusé en Allemagne et en Grande-Bretagne. Y a-t-il une commercialisation prévue en France?
Mad Max: Je n'ai pas d'influence sur cela. Si les Français aimeraient que cela se fasse, la meilleure chose est de contacter la personne compétente, Willi Carmincke, de United Software.
Daryl: Son numéro de téléphone (en Allemagne) est le suivant: 05244-40828 (NDT: supprimer le 0 quand on appelle de France). N'oubliez pas de demander Willi Carmincke. D'autres CD sont-ils prévus?
Mad Max: Non, pas à ma connaissance, bien que cela me ferait plaisir d'en refaire un.
Daryl: J'avais entendu parler d'un nouveau CD pour Noël cette année, mais cela me semble un peu juste maintenant. Mais il y en a un de Chris Hülsbeck qui est sorti, et qui est très bien aussi.
Un petit message aux lecteurs de la rubrique Démos de ST Magazine peut-être?
Mad Max: Euh!... Que leur dire? Vivez intensément, tiens! Et puis j'ai aussi un message pour les concepteurs de démos: J'aimerais entendre plus de musiques sur ST, pas seulement les miennes.
Daryl: Genau! As-tu pensé à composer sur Sega, Nintendo, etc.?
Mad Max: Il est possible que Chris Hülsbeck et moi-même développions des routines de son pour la Megadrive et pour la Super Famicom, mais rien n'est sûr pour l'instant.
Daryl: Ha, ha!, intéressant... Et quel genre de musique écoutes-tu?
Mad Max: Euh!... Peter Gabriel... Allons plutôt voir ma collection de CD pour citer quelques titres, ce sera plus simple!
Daryl: O.K., on y va les gars! [...] Alors, je vois un CD de Jochen Hippel (rires), Neneh Cherry...
Mad Max: Mike Oldfield, ZZ Top, Belinda Carlisle, Quincy Jones, Diana Ross, Paula Abdul, C&C Music Factory, Janet Jackson...
Daryl: Nan, celui-là c'est le mien, je le reconnais, je te l'avais prêté! Bon allez, c'est l'heure de la pause, on va boire un verre maintenant.

 

THALION SOFTWARE
Le mois dernier vous a permis de faire connaissance avec -ME-, Daryl et Mad Max du groupe TEX. Ce mois-ci, avec l'interview de Erik Simon (ex-ES/TEX), graphiste et designer des produits Thalion, nous avons souhaité porter un regard différent sur les démos.
ST Mag: Quel est l'intérêt des démos selon toi?
Erik Simon: Les démos sont des choses apportant un succès à court terme, c'est-à-dire que faire une démo ne prend pas énormément de temps, mais que cela donne une agréable impression de réussite. C'est sûrement pour cela que beaucoup de gens font des démos, car faire un bon jeu prend énormément de temps, en tout cas plus qu'une démo. Mais personnellement, j'adore les démos!
ST Mag: Thalion est une firme relativement jeune. Quelle est sa taille à peu près?
Erik Simon: Huit personnes travaillent dans le développement, trois personnes dans la gestion des affaires, et quelques intérimaires sont employés à la production (copies, emballages, etc.). Disons qu'il y a onze personnes à temps plein.
ST Mag: Comment s'effectue la transition entre la création de démos, comme passetemps, et le développement de jeux, comme profession?
Erik Simon: Il faut savoir que presque tous les gens de Thalion ont commencé par la programmation de démos. C'est amusant de faire de la recherche sur les capacités techniques de la machine (à l'époque c'était vraiment de la recherche pure, personne ne savait vraiment ce que l'on pouvait faire avec un ST), mais à un moment ou un autre, on se pose la question de savoir si cela doit rester un hobby, ou devenir un moyen de gagner sa vie professionnellement. Comme je suis d'avis, que ce que je dois faire pour gagner ma vie doit aussi me plaire, j'en ai tiré les conséquences qui s'imposaient. Mais ensuite vient quelque chose qu'il nous a fallu apprendre, la technique utilisée dans les démos devient accessoire dans les jeux. Dans ce domaine en effect, ce qui est de loin le plus important, est le plaisir de jouer. Il y a beaucoup de jeux très poussés techniquement, mais qui ne sont pas intéressants à jouer. En tant qu'anciens programmeurs de démos, cela a été notre premières leçon.
ST Mag: N'était-ce pas un gros risque de mettre sur le marché un jeu, aussi poussé techniquement que Enchanted Land (premier jeu à utiliser un scrolling multidirectionnel 4 plans en plein écran, grâce à la technique du "hardscroll ST"), lorsqu'on sait les problèmes de compatibilité que cela peut poser?
Erik Simon: Ce n'était pas un risque, car je ne connais pas un seul ST sur lequel le jeu ne marche pas. C'est même un résultat meilleur que certains jeux utilisant des techniques classiques, et ne marchant pourtant pas sur tous les ST. Mais il est vrai qu'il faut absolument maîtriser à fond ces techniques, avant de lancer un jeu sur le marché les utilisant, ce qui n'est pas le cas de toutes les sociétés, expliquant ainsi leurs hésitations devant l'utilisation de techniques de ce genre. Dans le cas présent, le programmeur est excellent, il a développé une routine s'auto-adaptant au ST en question. Une autre raison de la quasi-absence de tels jeux sur le marché étant que certaines sociétés ne se posent pas du tout la question, puisqu'elles ne font que des conversions d'autres versions.
ST Mag: Avez-vous des projets d'autres jeux utilisant des techniques similaires?
Erik Simon: Pour être honnête, non. Pour la raison bien simple que personne ne s'intéresse à ces techniques, ni les clients, ni la presse. Dans tous les tests de Enchanted Land, l'on a vu une phrase du genre "Très bon scrolling", point à la ligne. Personne ne se pose vraiment la question de savoir si un jeu tourne en 50 images par seconde, ou en 3 VBL, donc cela ne vaut pas le coup pour nous. Peut-être, d'ailleurs, ont-ils raison, l'important étant que le jeu soit amusant. Nous développons actuellement des jeux comme Trex Warrior (NDLA: fantastique jeu en 3D faces pleines, par Michael Bittner, prévu pour fin 1991), où la technique est excellente, mais n'est utilisée que pour rendre le jeu amusant à jouer. Se concentrer principalement sur la technique, et construire le jeu à partir de là, ne constitue pas la bonne voie. La technique doit demeurer au service de la qualité de jeu.
ST Mag: Qu'est-ce qui fait la différence entre Thalion et les autres éditeurs de jeux?
Erik Simon: Bonne question... Je ne voudrais surtout pas mettre Thalion au-dessus des autres sociétés! Nous avons sûrement des avantages d'un point de vue technique, grâce à la programmation de démos, et aux contacts que nous avons gardés avec ceux en faisant, ce qui nous permet d'être toujours au courant des dernières techniques de programmation. Ce sont donc des avantages, mais ils ne suffisent pas à nous mettre au-dessus des autres, pour les raisons dont nous avons parlé il y a un instant.
ST Mag: Souffrez-vous beaucoup du piratage de vos logiciels?
Erik Simon: Une chose est à noter. On dit toujours que si le piratage de logiciels continue, la qualité des programmes baissera sensiblement. Ce n'est pas vrai. La qualité des logiciels est, depuis longtemps déjà, loin en dessous de ce qu'elle pourrait être. Les sociétés survivront sûrement, mais s'il n'y avait pas de piratage, je pourrais mettre deux fois plus de personnes sur le développement d'un jeu, parce que je saurais qu'au moins, l'argent investi reviendrait sûrement. C'est d'ailleurs le même problème pour toutes les sociétés européennes d'édition. Les copies pirates ne mettent pas les jeux en danger, elles l'ont déjà fait depuis longtemps, et cela, peu de gens s'en rendent compte.
ST Mag: S'il n'y avait pas de piratage, penses-tu que les prix des jeux resteraient les mêmes, ou qu'ils augmenteraient?
Erik Simon: Les prix n'augmenteraient pas de façon significative. Par contre, la qualité des jeux serait énormément améliorée. Encore une fois, je pourrais mettre plus de personnes sur un projet, pendant plus de temps, et être sûr de gagner de l'argent. Les sociétés américaines peuvent faire cela, et elles peuvent donc se permettre de programmer des jeux demandant beaucoup plus de temps de développement, comme des simulateurs de vol ou des jeux de rôles. Aux Etats-Unis, en effet, le marché est plus important et il y a moins de piratage. Regardons les jeux américains, il y a quelques années, ils étaient de qualité sensiblement inférieure à ceux des sociétés européennes; depuis, les Américains ont fait des progrès foudroyants, justement parce qu'ils peuvent se permettre de mettre dix personnes sur un projet. Ce qui m'ennuie en tant que développeur, est moins le fait qu'il y ait des gens utilisant illégalement mes produits, que celui de savoir que je pourrais créer des jeux infiniment meilleurs, s'il n'y avait pas de piratage.
ST Mag: Penses-tu qu'une société comme la tienne puisse se protéger contre le piratage, à l'aide de fortes protections contre la copie?
Erik Simon: Non, nous allons vers moins de protection sur nos logiciels; peut-être une question sur le contenu du manuel, mais c'est tout. En effet, nous allons nous orienter de plus en plus vers des logiciels relativement complexes à utiliser (simulations, jeux de rôles...). Je dirais même, qu'en fait, cela ne sert à rien de faire des protections, car le temps de développement de la protection coûte aussi cher, sinon plus, que le retard des pirates dans le déplombage.
ST Mag: Quel est le nom du plus grand hit de Thalion?
Erik Simon: Il s'agit de Dragonflight, qui s'est vendu en 25000 exemplaires, toutes versions confondues (ST, PC, Amiga). Quant à Enchanted Land, il s'est moins bien vendu que prévu, principalement à cause de son temps de développement beaucoup trop long.
ST Mag: Combien de jeux allez-vous encore faire pour le ST?
Erik Simon: Nous allons probablement encore faire des jeux pour ST, on peut le dire, pour les années à venir. Ce que nous n'allons plus faire, et là ce n'est pas de notre faute, car c'est une réaction logique face au marché, c'est développer des jeux spécialement pour le ST. Nous allons maintenant exploiter l'Amiga (graphismes en 32 couleurs, écrans PAL, etc.), et ensuite convertir le jeu sur ST du mieux que nous le pourrons. Mais nous ne ferons plus de performances techniques exceptionnelles sur ST, car elles ne servent pas à grandchose, et se font au mépris de la facilité de conversion ensuite. Il est normal que les gens achetant le plus de jeux, obtiennent aussi la meilleure version de ce même jeu. Mais nous sommes toujours, et nous resterons, des vrai fans du ST, et il y aura toujours de bonnes conversions sur cette machine.
ST Mag: Et toi, en tant qu'ancien membre de TEX... As-tu oublié ce temps-là, ou y penses-tu toujours?
Erik Simon: Je n'ai pas oublié cette époque, mais pour des raisons de temps, je n'ai évidemment pas l'occasion de m'y remettre. C'était de toute façon une période fantastique, et je garde un merveilleux souvenir de nos productions. Aujourd'hui toutefois, je me considère plutôt comme un vétéran, et même un retraité!

Interview réalisée par Klaus Berg. Interview de Mad Max/ TEX réalisée par Daryl/ TEX. Photos par Patrick Raynaud et TEX.
Vielen Dank für eure Hilfe, gute Laune und für die vielen Fotos!
ST Magazine Nr. 56 - November 1991/ Nr. 57 - Januar 1992